Julien Herger, diplômé de la formation en photographie professionnelle, revient sur son parcours, sa vie à Montréal et son cursus au Collège.
Entrevue avec Julien Herger, M5 et diplômé du Collège Marsan
Par Anaëlle
- 25 juin 2020
Est-ce que tu peux te présenter et nous parler de ton parcours avant d’arriver au Collège Marsan ?
Je m’appelle Julien Herger, je suis d’origine suisse. J’ai étudié il y a une dizaine d’années le design de mode à la Haute École d’Art et Design de Genève, mais une fois mon cursus achevé, je me suis rapidement rendu compte que je n’étais pas au bon endroit. Flirter avec les tendances, oui avec parcimonie ; les créer avec une machine à coudre, pas pour moi. J’ai alors commencé à photographier mes proches, en créant des costumes, des mises en scène. En parallèle, j’ai été responsable de boutique en Suisse et en Suède, mannequin, barman, créateur de contenu, responsable communication, évènementiel, etc.
En 2018, après deux années de désillusions au sein d’une entreprise où je ne trouvais pas ma place, j’ai quitté la Suisse pour le Portugal. De là, l’envie de devenir professionnel en photographie s’est faite ressentir, je me suis donc inscrit dans deux écoles, Speos à Paris et Marsan à Montréal. Mon dossier s’est vu être accepté des deux côtés, mais le Canada avait d’avantage un goût d’aventure, j’ai donc rassemblé toute ma vie dans une valise et j’ai sauté dans un avion fin août.
Comment s’est passée ton arrivée à Montréal et au Collège Marsan ?
Mon arrivée à Montréal a été un véritable chamboulement. Je ne connaissais personne, je ne connaissais pas la ville, et ma première chambre était rose de la moquette au plafond, à Longueuil, dans une maison à la propreté et au décor très approximatifs! Après avoir été actif dans le monde du travail et vécu seul pendant de nombreuses années, revenir à la vie étudiante avec tout ce que cela implique était un challenge. Il m’a fallu renouer avec le concept de colocation, voir mes revenus considérablement réduire, concilier études la semaine et job d’étudiant le week-end. Qu’importe, j’étais venu ici pour me consacrer à ma carrière, alors j’étais prêt à beaucoup de concessions pour réussir.
Concernant Marsan, j’ai été enchanté d’arriver et de voir des personnes de tous âges et tous horizons, avec des univers déjà très affirmés. Je suis de nature plutôt solitaire, mais je dois avouer qu’évoluer au sein de ce type de groupe est stimulant. De mon côté, j’ai appris ce que j’étais venu chercher, c’est-à-dire de la technique et de la rapidité, afin de pouvoir répondre à mes propres attentes, mais aussi à celles de mes futurs clients. Aujourd’hui je me sens photographe et légitime de le dire, ce qui n’était pas le cas avant ma formation.
Qu’est ce qui t’a marqué dans ta formation ?
Le grand paradoxe de ma démarche a été de m’inscrire à une école de photographie commerciale alors que les cours les plus commerciaux étaient ceux qui m’intéressaient le moins. Mais j’ai absorbé l’information et tiré profit de chaque enseignement. J’ai particulièrement aimé les cours dispensés par Sébastien Raymond, dans lesquels j’ai appris à travailler en séries plutôt qu’en images uniques, à avoir un discours et savoir l’exposer, à dépasser les simples dimensions techniques ou esthétiques. J’ai attendu la fin du cursus avec impatience pour enfin me confronter à la photographie contemporaine, mais mon projet s’est avéré être un peu bancal (rires)!
Comment s’est passée ton exposition finale, en sachant que tu as remporté le prix du M5 de ta promotion ?
J’avais déjà exposé il y a quelques années à Genève, en collaboration avec une amie. A l’époque nous n’étions pas photographes mais nous « faisions de la photo ». Nous avons alors tenté l’expérience sans prétention, d’ailleurs le nom de notre exposition était Whatever Professionalism. Nous avions quand même réussi à vendre certains tirages à quelques âmes charitables!
Dès le début de ma formation, je me suis très vite intéressé au travail des M5 antérieurs, afin de comprendre leur parcours, leur évolution. Je suis quelqu’un de très curieux et je vais chercher l’information là où elle me semble pertinente. J’avais donc pris contact avec Marie-France l’Ecuyer, Olivier Clertant, ainsi que Cathereene Lee, qui sont des photographes que j’apprécie tant sur le plan humain qu’artistique. J’ai tenté de donner le meilleur tout au long des 15 mois afin de proposer des projets aboutis, engagés pour certains, toujours avec une dimension humaine très prononcée. J’étais conscient que mon travail s’était fait remarquer de manière positive, cependant remporter le M5 a été une réelle surprise. Plusieurs autres portfolios auraient pu prétendre à ce titre. A l’annonce de mon nom, j’étais angoissé et rien d’autre. Je ne sais pas recevoir les compliments, ni être au centre de l’attention, et je pense que mon malaise était palpable.
Comment ça s’est passé pour toi une fois que tu as été diplômé du Collège ?
Une fois l’euphorie de la réussite passée, les premières semaines ont été plutôt tièdes. L’école est un formidable outil pour apprendre son futur métier, mais se confronter à la réalité du marché n’est pas évident. Lorsque tu es dans ta ville, tu as ta famille, un cercle social, un réseau construit au fil des années et à travers lequel tu peux tirer certaines ficelles. Dans une ville étrangère, tu ne peux faire appel à aucune de ces mains-fortes, le téléphone ne sonne pas si tu ne provoques pas les rencontres. J’ai donc passé plusieurs semaines cafardeuses, sans même toucher à mon appareil photo. Heureusement, j’avais conservé le job que je m’étais trouvé dès mon arrivée à Montréal, et cela a fortement contribué à mon équilibre. Puis je me suis vite repris et j’ai commencé à participer à des concours, refaire mon portfolio, créer mon site internet, faire quelques shootings créatifs, etc. J’ai eu la chance d’assister entre autres Leda & St.Jacques ainsi que Alexis Belhumeur, de jolies expériences.
Et qu’est-ce que tu aimerais faire par la suite ?
Mon travail tourne de toute évidence autour du portrait. J’aime parler de ce qui m’entoure, des personnes, de la culture populaire, des communautés, des genres, de la réminiscence. Je gravite entre photographie de mode, éditoriale et documentaire. En ce qui concerne ma carrière, je reste ouvert aux possibilités et opportunités. Je pense que mon but ultime est de rester photographe indépendant, collaborer avec des agences, des magazines, des créateurs plus ou moins confirmés, et pourquoi pas exposer certains projets personnels dans des galeries.
L’exposition M5 pourrait donc te permettre de faire ça ?
Pouvoir exposer au Musée McCord est effectivement une occasion idéale de montrer mon travail, c’est une brique supplémentaire dans mon processus. C’est aussi un petit ego trip disons-le, une sorte de légitimité supplémentaire, et une justification pour mes proches qui m’incriminent de m’éloigner d’eux. « Regardez, je vous abandonne mais je réussis là où je suis » (rires).
Aurais-tu des conseils pour les personnes qui envisagent la photo ? Pour les étudiants en général et pour les étudiants étrangers ?
Je dirai que c’est un long fleuve qui n’a rien de tranquille, mais si on est passionné, il ne faut pas hésiter.
Le plus tôt, le mieux. J’aurais voulu m’engager plus jeune dans cette voie là, mais j’ai douté trop longtemps de mes capacités, aussi par peur de m’éloigner des miens, et de l’incertitude financière liée au métier d’artiste. Ensuite, je dirais de rester fidèle à son style et à ses convictions. Je sais depuis longtemps que mon créneau c’est le portrait, alors c’est ce que je fais, mais j’essaie de l’exploiter de différentes manières, de définir ce qui me caractérise, d’avoir un propos. Finalement, la clé c’est l’investissement, temporel et émotionnel.
Durant mon cursus, je n’ai fait que travailler. Pour mon projet de fin d’année, j’ai investi une bonne partie de mon revenu dans les costumes, la coiffure et le maquillage de mes personnages. Résultat, j’ai terminé mon année scolaire avec un dressing débordant de vêtements féminins datant des années 80, mais avec le même sweatshirt sur le dos. J’étais allé au bout de mon concept, j’avais donné vie aux images que j’avais conçues dans mon esprit, c’était le plus important. Il faut avoir de la détermination.
Voudrais-tu nous présenter ton projet de fin d’année ?
Je suis rentré à Genève quatre mois avant le rendu final, et je n’avais aucune idée de ce que j’allais proposer pour mon portfolio. En retournant chez ma mère, je suis tombé sur des albums photos de mon enfance. Page après page, j’ai redécouvert les femmes qui ont participé à ma construction, des femmes de caractère, audacieuses, impatientes, inquiètes. Je suis littéralement amoureux de tous ces clichés anciens, j’aime leur grain, le style vestimentaire comme témoin d’une époque, les attitudes, et la colorimétrie si particulière. C’est tout naturellement que j’ai décidé de rendre hommage à ces femmes à travers ma série Idoles, en m’inspirant de scènes typiques inscrites dans l’inconscient collectif, auxquelles chaque personne peut associer un souvenir.
En savoir plus sur Julien Herger
- Site Internet : www.julienherger.com
- Son profil instagram